Le réchauffement de la planète et la crise climatique nous obligent tous, et en particulier ceux d'entre nous qui habitent les sociétés qui en sont les plus responsables, à revoir notre représentation du monde. Ces dernières années, l'anthropologie de l'environnement a profondément remis en question l'opposition entre Nature et Culture. En effet, le mot "Nature" est difficilement traduisible dans la plupart des langues du monde.
Dans son prochain livre (La route sauvage. Histoires de humains et non humaines Laterza, Rome, mars 2024, à paraître), Adriano Favole met au centre de son attention la notion de "inculte" (délaissé, friche, jachère...). Contrairement à la Nature, l'inculte n'est pas un espace "autre" que l'humain, mais plutôt ce qui n'est pas encore ou qui n'est plus humain. L'inculte est l'ensemble des êtres, vivants ou non, qui sont liés à l'être humain par un dense réseau de relations. Ce n'est pas un hasard si les rituels de nombreuses sociétés ont trait à l'inculte ; des pratiques telles que le rahui polynésien peuvent en effet être relues comme des formes de protection de l'inculte et de "sacralisation" des relations plutôt que d'une Nature autre qu'humaine.
Penser l'environnement en termes d'opposition entre culture/inculture plutôt que de culture/nature, c'est proposer une "écologie des relations" (P.Descola) qui est très en phase avec la manière dont de nombreuses sociétés d'Océanie ont construit leur savoir de l'environnement.
Biographie du conférencier
Adriano Favole est Pr d'Anthropologie culturelle au Département Culture, politique et société de l'Université de Turin, où il enseigne Anthropologie culturelle, Anthropologie de la communication et Culture et le pouvoir. Il a fondé et dirigé le laboratoire "Arcipelago Europa". Il est actuellement professeur invité à l'Université de Nouvelle-Calédonie. Il a effectué des recherches à Futuna (Polynésie occidentale), en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion et en Guyane française. Ses principaux domaines de recherche sont l'anthropologie politique, l'anthropologie du corps et l'anthropologie du patrimoine. Il collabore avec l'hebdomadaire "La lettura" du Corriere della Sera. Il est l'auteur de : Resti di umanità. Vita sociale del corpo dopo la morte (2003), Oceania. Isole di creatività culturale (2010), La bussola dell'antropologo (2015) pour Laterza ; Vie di fuga. (2018) ; Il mondo che avrete. Virus, antropocene, rivoluzione (con M. Aime et F. Remotti, 2020) per UTET ; La palma del potere (Il Segnalibro, 2000) ; L'Europa d'Oltremare (Raffaello Cortina, 2020). Il est l'auteur d'articles scientifiques traduites en français, anglais, brésilien et futunien.